Ils ont fait de l’innovation le moteur de leur compétitivité !
Dans les PME, innover est un enjeu permanent et une condition indispensable de survie et de développement. Trois entrepreneurs établis nous livrent la manière dont ils sont entrés en terre d’innovation…
Disruption, ubérisation, innovation… Pas un jour ne passe sans qu’un gros titre ne mette en scène la dernière startup en passe de révolutionner les marchés. Au point qu’on pourrait penser que l’innovation ne constitue pas un enjeu dans les entreprises « classiques ».
Innover, une nécessité pour les TPE et PME
Darwinisme économique oblige, les TPE et PME établies n’ont souvent pas d’autre choix que de miser sur l’innovation pour rester compétitives. Dans un monde qui bouge très vite, marqué par le règne de l’incertitude, l’innovation est nécessaire pour assurer la pérennité de son activité.
C’est ce dont témoignent tout particulièrement les dirigeants de PME. Dans ces entreprises établies, innover n’est pas un luxe mais un enjeu de développement, parfois de survie. Joseph Schumpeter – économiste et l’un des premiers théoriciens de l’innovation – l’affirmait déjà en son temps :
« Comme chez l’Homme, des entreprises naissent sans avoir la force de survivre. D’autres succombent à ce que l’on appellerait, pour un être vivant, une mort « par accident » ou « des suites d’une maladie ». D’autres encore disparaissent d’une mort « naturelle », comme nous mourrons de vieillesse. Cette cause « naturelle », dans le cas des entreprises, est précisément leur incapacité à tenir le rythme d’innovation qu’elles se sont elles-mêmes imposé dans leurs périodes fastes».
Tout est dit : innover, pour une entreprise établie, est devenue une condition nécessaire, sinon suffisante. Améliorer son activité tout en se renouvelant : un véritable challenge pour des dirigeants qui ne peuvent s’offrir le luxe d’avoir droit à l’erreur.
Trois de ces dirigeants nous ont ouvert leurs portes et l’histoire de leurs innovations. Basés dans les Hauts-de-France, ils nous confient pourquoi et comment ils se sont engagés en terre d’innovation. Ce dont ils témoignent ? Que l’innovation ne revêt pas qu’une seule forme. Bien au contraire, elle se conjugue à toutes les sauces ! Que l'innovation est un état d'esprit et une démarche continue, et que la technologie n'est qu'une porte d'entrée possible.
Quand un fabricant de sous-vêtements mise sur l’innovation technologique
Installé dans une région où les fantômes de l’industrie rôdent encore, un dernier résistant de l’ère textile survit. Pire même, il embauche ! Son secret ? L’innovation. Olivier Diers dirige avec Edith Lemahieu, son épouse, la société LEMAHIEU, basée à Saint-André-lez-Lille. Fabricant de sous-vêtements labellisés « Origine France Garantie », Olivier a fait de l’innovation produit un des moteurs de son entreprise. Comme il en témoigne :
« Nous sommes une succession de start-up depuis 70 ans ! Avec un savoir-faire textile sur les vêtements de confort et de bien-être. Pour nous, l’innovation se joue à deux niveaux. D’abord, dans notre capacité à proposer chaque saison de nouvelles collections. Mais, l’innovation c’est aussi, et surtout, notre capacité à intégrer de nouvelles technologies dans notre organisation. Chez Lemahieu, nous avons notamment investi les textiles fonctionnalisés qui apportent une vraie plus-value à nos produits. »
Les textiles fonctionnalisés permettent aujourd’hui à Olivier et Edith de se positionner sur des produits de niche à forte technicité. Un ressort pour cette PME familiale de 95 salariés, qui a subi de plein fouet la vague de délocalisation de l’industrie textile. Pour Olivier, investir dans l’innovation produit est une nécessité :
« On ne peut pas se battre sur des produits basiques fabriqués à l’autre bout du monde. Nous devons apporter une valeur ajoutée. Depuis 2008, le gros de nos développements sont orientés sur les cosmétotextiles. On enferme par micro-encapsulation dans nos textiles des principes actifs cosmétiques : amincissant, hydratant, bronzant…. On mise beaucoup sur les textiles fonctionnalisés pour anticiper les besoins actuels et futurs de nos clients. »
Au fil des années, Lemahieu a ainsi résisté en se diversifiant. Un succès qu’Olivier tempère en insistant sur l’enjeu de rentabiliser les investissements consentis : « En tant qu’industriel, nous devons rentabiliser nos innovations, et adapter notre organisation pour que nos productions restent à des prix acceptés ou acceptables par le marché. » Et quand on lui pose la question de demain et des challenges qui seront les siens, Olivier répond tout de go :
« Selon moi, ce qui pourrait tout bouleverser à l’avenir c’est l’imprimante 3D. Aurons-nous encore besoin d’usines, d’importer, d’entrepôts, de moyens de transport… si demain nos produits se fabriquent dans la cuisine ou au coin de la rue, dans un fab lab ? C’est dans cet univers mouvant et en accélération constante qu’une entrteprise de 70 ans, mais qui se veut toujours jeune, doit continuer à trouver sa place et inventer son futur. »
Quand un cabinet RH retrouve le chemin de la croissance grâce à l’innovation sociale
Basé à Marcq-en-Baroeul, RH-Performances Lille est un cabinet conseil en ressources humaines, indépendant et hors normes. Mais Hervé Van Rijn, son dirigeant, a bien failli un jour tout arrêter. C’est au cœur des difficultés, qu’il fait le pari de l’innovation managériale pour retrouver de la croissance dans un secteur d’activité devenu hyperconcurrentiel. Hervé en témoigne avec beaucoup de modestie :
« Aujourd’hui, l’innovation est une évidence pour nous ; ce n’était pas le cas il y a quelques années. Il a fallu passer par une situation de crise. Fin 2012, un marché tendu, des erreurs de management et des choix d’association malheureux… et l’entreprise se trouve en grande difficulté. Au-delà des effets de conjoncture, c’est l’occasion pour nous de réaliser que la situation est aussi liée à un marché devenu trop conventionnel, hyperconcurrentiel et peu différenciant. C’est à partir de ce moment-là qu’on s’est ouvert à l’innovation, en la faisant entrer progressivement dans l’entreprise. »
Comme le précise immédiatement Hervé, « l’innovation et le changement ne rentrent pas dans l’entreprise comme par l’opération du Saint-Esprit. » L’impulsion du dirigeant est certes fondamentale, mais l’essentiel est de créer les conditions pour que les collaborateurs s’approprient les enjeux du changement. Hervé a ainsi beaucoup investi sur la mobilisation, la sensibilisation et l’accompagnement de ses 20 collaborateurs au changement.
Un cheminement progressif qui lui a permis d’impulser une dynamique d’innovation continue. Première étape : revisiter l’offre de RH-Performances, avec des évolutions fortes dans la structure de services en recrutement et en formation. Deuxième étape : intégrer d’autres manières de faire, en s’appuyant sur les outils numériques mais aussi en revisitant les modèles pédagogiques. Mais, comme l’affirme Hervé, l’innovation majeure s’est jouée ailleurs :
« Chez nous, l’innovation majeure est sociale. On a énormément co-responsabilisé les collaborateurs. On a changé notre modèle managérial, pour passer d’un modèle classique pyramidal à un modèle en mouvement permanent. J’aime nous comparer à ces bancs de poissons ou aux nuées d’étourneaux qui se déplacent ensemble et au même rythme. »
Quant aux résultats, Hervé les apprécie d’abord pour l’interne : amélioration de l’ambiance de travail et du bien-être, meilleur équilibre entre vie personnelle et professionnelle, développement du plan de formation interne, accompagnement des collaborateurs via le coaching… Autant d’actions qui visent le capital humain de l’entreprise. Parmi les impacts positifs obtenus, il en est un dont Hervé tire une grande satisfaction :
« Nous avons mis en place les conditions, en termes d’information et de concertation, pour laisser aux collaborateurs le choix de leur système de rémunération variable. Le résultat a dépassé mes attentes. Nous avons constaté un impact extraordinaire de cette action sur le CA, qui a progressé de 30% l’an dernier. »
Des efforts continus qui ont été récompensés en 2017, puisque l’équipe d’Hervé a remporté le trophée alliance RSE.
Quand un expert en études crée son laboratoire d’innovation
Chez Qualimétrie, un cabinet d'études et de mesures de la satisfaction client basé à Roubaix, il y a une étrange pièce vitrée. Un laboratoire à idées baptisé « Innov-lab», où Isabelle, Jérémie et Élise expérimentent, animent la créativité et fertilisent l’innovation des collaborateurs. Ce choix de matérialiser la démarche d’innovation dans un lieu physique, Jean-François Lepoutre, PDG de la PME, le revendique haut et fort :
« L’innovation est un thème que j’ai inscrit dans nos valeurs ; parce que sans innovation, notre entreprise risque de péricliter sur un marché qui bouge beaucoup.J’ai voulu matérialiser la dynamique d’innovation en regroupant tous les collaborateurs ayant de la créativité dans un service unique, dans lequel il y a entre 3 et 4 permanents à l’année. Ce qui pour l’entreprise représente un très gros investissement. »
Parmi les projets pépites qui émergent de ce lab, il en est un dont Élise Ryckebush, assistante R&D chez Qualimétrie, est particulièrement fière :
« L’un des projets dont nous sommes le plus fiers, et sur lequel nous travaillons encore, est la mise en place d’une plateforme d’échanges avec nos clients. Avant cela, nous avions l’habitude de créer des plateformes had hoc, c’est-à-dire que pour chaque client on recréait un nouveau produit. Au bout d’un moment, nous avons entrepris de changer notre approche en travaillant sur une solution plus universelle, adaptée à la grande majorité de nos clients. L’avantage pour eux, c’est une offre plus accessible, dont la mise en place est beaucoup plus rapide : de 3 à 6 mois à 2 semaines ! Et le gain généré pour le client, on le retrouve aussi à l’interne, avec une offre qui nous permet de séduire de nouveaux clients, parce qu’elle répond davantage à leurs besoins. »
Le succès de cette démarche nécessite toutefois de faire un pari sur le long terme, et de s’inscrire dans une logique d’investissement. Un point essentiel sur lequel insiste Jean-François Lepoutre :
« Notre initiative continue encore de surprendre notre entourage compte tenu de la taille de l’entreprise. Et pourtant cet investissement est nécessaire et il faut l’engager. Car il est un levier de différenciation. Il nous permet de nous différencier sur nos marchés, et aussi de capter de nouveaux marchés sur lesquels nous n’étions pas positionnés. Aujourd’hui, l’investissement financier consenti est largement amorti. Notamment grâce à des dispositifs comme le Crédit Impôt Recherche et le Crédit Impôt Innovation. »
Et Jean-François de conclure avec un conseil : ne pas hésiter à se faire accompagner par des cabinets spécialisés, pour maximiser ses chances d’obtenir ces aides dédiées à l’innovation.
Un, deux, trois… Innovez !
Un fabriquant de sous-vêtements, une agence de recrutement, un cabinet d’études… Trois entreprises aux antipodes les unes des autres. Mais qui pourtant se retrouvent sur un essentiel : le choix de sortir de sa zone de confort et de miser sur l’innovation pour assurer le développement pérenne de son entreprise. Le choix également de construire une croissance plus en phase avec les aspirations des clients et des collaborateurs de l’entreprise.
Chapeau bas à Olivier Diers et Edith Lemahieu, à Hervé Van Rijn et à Jean-François Lepoutre pour leur belle énergie d’entrepreneurs. Et merci, grand merci à eux pour leur envie de partager à d’autres leur aventure entrepreneuriale, qui définitivement n’est pas un long fleuve tranquille !